Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement !

(Ex 19,2-6 ; Rom 5,6-11 ; Mat 9,36 à 10,8)

Dans l’extrait de sa lettre aux Romains, l’apôtre Paul rappelle aux chrétiens de Rome la triste
condition qui était la leur avant leur entrée dans la foi et l’extraordinaire transformation qui
s’était opérée en eux depuis ce jour, et les invite à voir dans ce double constat la preuve de la
gratuité de l’amour du Christ pour eux.
« Alors que vous étiez encore capables de rien,
« alors que vous étiez encore pécheurs,
« alors que vous étiez encore les ennemis de Dieu,
« alors que vous étiez encore coupables,
« alors que vous étiez encore soumis à la colère de Dieu, le Christ est mort pour vous.
« Accepter de mourir pour un homme juste, c’est déjà difficile, mais mourir pour
« l’injuste est la plus belle preuve de l’amour du Christ pour lui.
Alors que vous étiez encore capables de rien, le Christ est mort pour vous ! :
Oui, frères et sœurs, avant d’avoir adhéré à la grâce de votre baptême (conversion), adhésion
qui s’est peut-être opérée 20 ans après celui-ci – vous n’étiez capables de rien. D’incapables,
vous êtes devenus capables, capables d’aimer comme Jésus nous a aimés ! Ce que je vous dis
là s’est fait en toute gratuité ! Avez-vous conscience de ce moment de basculement ? Si vous
n’en avez pas conscience, c’est parce que vous n’avez pas encore assumé le grâce de votre
baptême par une conversion du cœur « hors sacrement » !
Alors que vous étiez pécheurs, le Christ est mort pour vous : Dans le passé, vous étiez
pécheurs, incapables d’aimer en vérité, de renoncer à la violence, de pardonner gratuitement,
et aujourd’hui vous êtes devenus des justes, et cela par pure grâce. Qu’est-ce à dire ? Que
vous ne faites plus le moindre faux pas ? Non pas, mais vous avez l’assurance qu’aucun de ces
faux-pas ne vous séparera de l’amour du Christ, qu’une nouvelle chance vous est toujours
offerte pour reprendre la route, que vous êtes assurés du pardon, en toute gratuité, sans aucun
mérite, comme ça !
Alors que vous étiez les ennemis de Dieu, le Christ est mort pour vous : Avant votre
conversion, vous étiez les ennemis de Dieu et aujourd’hui vous êtes devenus ses amis !
Qu’est-ce à dire ? Sinon qu’avant votre entrée dans la foi, vous vous méfiez de Dieu (et du
Christ et des humains), vous le craigniez, vous le regardiez comme un concurrent, un
empêcheur de danser en rond (Adam et Eve). Depuis votre conversion, vous savez qu’il
marche toujours à vos côtés, tel un père, qu’il vous connaît mieux que quiconque, qu’il a
toujours désiré obtenir votre confiance.
Alors que vous étiez soumis à la colère de Dieu, le Christ est mort pour vous : Hier vous étiez
soumis à la colère, aujourd’hui vous en êtes libérés.
Comment comprendre cette colère de Dieu ? Le dialogue du père de la parabole avec ses fils
nous en suggère l’explication. La colère dont il est question ici, est celle qui habitait les deux
fils de la parabole, colère que ceux-ci projettaient sur leur père et qui les détruisait
intérieurement. Le père de la parabole, quant à lui, n’a jamais été habité de la moindre colère
à l’égard ses fils, il n’a été que sollicitude à leur égard. Son souci était de les libérer de la
colère qu’ils nourrissaient contre lui. Si nous pouvons prêter à Dieu des mouvements de
colère, c’est uniquement dans le sens d’un « amour passionnel de Dieu pour nous arracher au
mal ».


Oui, frères et sœurs, c’est en toute gratuité que le Christ nous a aimés. C’est en toute gratuité que nous avons été transformés au plus profond de nous-mêmes. Si demain, des sentiments de culpabilité, de colère contre Dieu, de peur à son égard devaient remonter en vous, la meilleur médication pour vous en libérer sera de vous rappeler que Christ vous a aimés jusqu’à donner sa vie sur la croix, totalement gratuitement.
L’accueil de cette vérité vous permettra de calmer la tempête et de rétablir la paix dans vos cœurs. Effectivement, nous avons à mener un combat intérieur pour garder intacte la conviction que nous sommes aimés gratuitement. Perdre de vue l’initiative amoureuse de Dieu nous ferait perdre l’acquis du baptême qui a fait de nous des êtres aimés et capables
d’aimer Dieu et nos frères et sœurs en Christ.
On ne le dit pas assez: Nous sommes responsables des sentiments qui se développent en nous; c’est nous qui décidons du volume que nous leur accordons en nous. A un même moment, je puis être habité de mouvements contraires à l’égard de quelqu’un, par exemple d’un sentiment
de colère et en même temps du désir de l’aider à grandir. Il m’appartient de décider du sentiment auquel je vais accorder priorité. Ou bien j’entre dans la rancune ou j’entre dans la compassion positive. Il en va de même dans le domaine de la foi. Vivre dans la foi suppose des choix intérieurs. L’apôtre Paul ne dit-il pas en Rom 6 : « Considérez-vous, frères et sœurs,
que vous êtes morts au péché et vivants à Dieu dans le Christ Jésus. »
Frères et sœurs, comme vous avez pu le constater, le Seigneur nous a comblés en toute gratuité, nous a fait don de grâce sur grâce. Si c’est bien vrai, il convient qu’à notre tour nous donnions gracieusement. C’est la conclusion de l’évangile de ce jour : « Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement ! »

Lorsque je vous observe vivre, je suis émerveillé devant le nombre d’engagements, de gestes, d’initiatives, de services, que vous vivez en totale gratuité. La puissance du témoignage de votre communauté est intimement liée à cette gratuité vécue au quotidien. J’en rends grâce au Seigneur !