Pardon

Pardon !
Pardon, je vous ai bousculé !
Pardon, je ne savais pas !
Pardon ! Vous ne m’avez pas compris !
Un mot qui va dans tous les sens
Un mot qui éveillerait la présence de l’autre
Un mot qui ne peut s’utiliser en absence
Banalement
Par habitude
En simple gage de civilité…
Pardon : un mot si ordinaire
Selon les circonstances, un préliminaire
Un mot d’effacement :
S’effacer devant la peine de l’autre
Effacer d’un autre la dette
Effacer toute rancune :
Une lumière dans la brune.
Divine origine !
Au départ le don, le don de la vie
L’Humain (femme et homme) en cherche le bon usage.
En lui, le Souffle s’ingénie
Et cherche comment, pourquoi, de quelle façon
Aimer malgré tout, sans bonne raison, à l’infini
Simplement parce que c’est mieux :
Sans guerre des nerfs pour devenir vieux
S’il faut s’abaisser pour grandir
Jusque dans la démesure
Le don s’affadit, la terre s’enlaidit
La vie est piétinée, les colères agglutinées
Il faut qu’on s’en sorte
Mais où est la porte ?
Dans l’au-delà du don, dans le par-don !
La seconde chance, le surcroît du bon
Une surenchère d’amour contre le mal-fait.
Il nous appartient de montrer que le soleil se lève
Pour les méchants et les bons
Divin est notre désir d’être parfait en amour
Puisque nous nous savons enfants de Dieu.
Ne pas s’attarder au sixième jour quand il en faut sept !
Six jarres de pierre ne donnent pas la joie :
Elles sont le rite d’un pardon pour soi
Il en faut sept pour la noce : acte de foi !
Par la parole absoudre l’autre même de l’ignoble
Ne pas trouver vain d’oser un regard divin
Qui dit au méchant : ‘Plus est en toi aussi ! Tu peux le bien si tu le veux.’

Mots cachés, mot gâchés

— contribution de Marc Scheerens.

Episode 6: Bénitier ou baptistère

Le parfum du bain baptismal honore le corps, l’apaise et le prépare

Nos constructions ont gardé, avec les bénitiers, la trace de l’usage ancien. Il y avait un lieu pour célébrer la résurrection – celle de Jésus et la nôtre- et un lieu distinct pour évoquer ce qui la précède : un passage par la mort, mais et qui fait entrer dans la communion des affranchis, des croyants en la vie éternelle. Quand les baptistères ont été intégrés au lieu de culte, ils sont mis souvent près de l’entrée, ou dans une absidiole prévue à cet effet.  L’idée du passage d’un état à un autre était ainsi maintenue. Mais qui fait encore le lien entre bénitier et baptistère ? Combien de bénitiers sont vides de tout emploi, comme des chômeurs de longue durée ?

Pourquoi ne pas remettre un baptistère d’une certaine ampleur dans l’entrée, un ‘obstacle’ à franchir,  comme un rappel du passage nécessaire ? Ce serait plus opératoire qu’une cuve en cuivre (une ancienne bassine à confiture ?) que l’on place pour l’une autre occasion liturgique ! Ce serait beau si celles et ceux qui vont célébrer les rites de la Parole et du Pain pouvaient se signer solennellement en plongeant la main dans cette eau. Ainsi, serait actualisé leur baptême. Faire un signe de croix, non pas un geste qui ressemble à un chasse-mouche, mains une grande signation personnelle, couvrant tout le corps, celle qui redirait : ‘J’ai revêtu le Christ. Je suis prêt à confesser le Christ’. Le geste personnel a été remplacé dans les liturgies solennelles par l’aspersion de l’assemblée par un célébrant processionnant : la liturgie est un conservatoire des habitudes.

« Le signe de la croix est le signe du chrétien. » (Cf. ‘le petit catéchisme’, héritier du catéchisme du Concile de Trente). Mais il est souvent si peu habité. Deux lignes se croisent et forme une croix. La ligne horizontale, celles des bras ouverts pour embrasser, pour étreindre, pour accueillir l’autre avec sa joie et ses peines. Si la foi sans les œuvres et une foi morte, vivre les bras ouverts (même dans l’obligation d’un crucifié !) le redit et l’affirme. Il y a nécessité d’agir comme ou au nom du Ressuscité. La ligne verticale, des pieds à la tête, montre la tension, la quête d’En-Haut, le désir d’avoir dans la tête et le cœur les sentiments qui étaient ceux de Jésus pour être signe du Père de tous les humains. Se signer ainsi pour se revêtir du Christ avant d’aller, avec d’autres, au banquet qui a été préparé pour nourrir la foi et l’action de chaque croyant.

Chacun l’ayant fait, il ne serait plus nécessaire de le refaire en début de célébration sur l’ordre du célébrant. Il y a d’ailleurs trop de signes de croix au cours de ce rite : l’abondance nuit au sens. Comment pouvons-nous perpétuer que Jésus a béni le pain en faisant une croix dessus alors qu’il n’était pas encore passé par ce supplice qu’il redoutait. Comment aurait-il pu lire dans la potence romaine une divine bénédiction ? Bénir, dans l’origine latine de ce mot, signifie ‘dire du bien’. En ce sens, Dieu seul est béni et objet de toute bénédiction. De lui vient ce lieu où nous vivons et qu’il nous a confié (La terre et tout son peuplement). Vers lui va tout le bien que nous pouvons faire en son nom.

A la fin de la liturgie de la Parole et du Pain (de la Parole prise comme vraie nourriture de l’agir chrétien), ce serait mieux que celui qui préside l’assemblée fasse usage du rite ancien de l’imposition des mains pour redire que chacun se voit ‘imposer’ la mission d’annoncer et qu’il est revêtu pour cela de la force que Dieu donne. D’ailleurs, avec la suppression des confessionnaux, le rituel reprend ce rite pour dire au pénitent relevé qu’il est réintégré dans la mission de l’Eglise confessante. Pourquoi un triple signe de croix est-il devenu privilège de l’évêque quand il ‘bénit’ ‘au nom du Père, du Fils et de l’Esprit’ sinon pour manifester que lui seul a la plénitude du sacerdoce et du pouvoir divin sur son peuple ? Dieu ‘Père, Fils et Esprit’ ou Dieu ‘Origine, Parole et Souffle’ ou ‘mystiquement’ : Dieu en relation comme  ‘L’Aimé, l’Aimant et l’Amour’ tout en un ?

Les funérailles en second baptême ?

Le cierge pascal était éteint le jour de l’ascension pour clore le temps pascal et ouvrir les dix jours d’attente du ‘feu nouveau’ de la pentecôte. Des cierges étaient placés sur l’autel : s’ils étaient deux, il s’agissait d’une messe ‘ordinaire’, s’ils étaient quatre d’une messe chantée, s’ils étaient six d’une messe solennelle avec toutes les pompes requises pour le bien du peuple. C’est oublier, qu’au départ, ces cierges n’étaient que des outils pour que le célébrant puisse lire et voir ce qu’il faisait en l’absence de toute autre forme d’éclairage. Etonnement donc : « votre messe est-elle valable : vous n’avez pas allumé de cierge ! » Le cierge pascal est le signe de la lumière plus forte que les ténèbres, de la vie qui triomphe au-delà de la mort. Il a sa place dans une liturgie de funérailles puisqu’il rappelle que cette lumière a été confiée au défunt à son baptême et qu’il est maintenant ‘en pleine lumière’.

Le baptistère a été remplacé par un seau avec un goupillon (La boule avec des trous se remplit de calcaire et parfois la ‘brosse’ a perdu ses poils !). Qui, alors, peut comprendre que le baptême reçu a abouti, que ce baptisé en Christ a maintenant atteint sa plénitude…surtout s’il y a encore la menace d’un purgatoire pour ce que la vie terrestre n’aurait pas expié ? Prendre l’eau avec une fleur dans la cuve baptismale serait plus opératoire et permettrait de faire un lien utile entre commencement et aboutissement d’une vie croyante.

Episode 5 – ressuscité

En mélangeant, retrouver le sens caché. « Par le baptême, tu es configuré au Christ, mort et ressuscité. »

Pratique:

Ces cris d’un enfant présenté au baptême me restent en mémoire. Ce fut un moment conflictuel, une violence faite à un enfant peu préparé. Au  moment du rite – mais ce n’était plus un enfant au sens propre du mot ‘in fans’ = qui ne parle pas ! – le prêtre dit : ‘Je te baptise au nom du Père…’ ‘Veux pas !’…et du Fils…’Veux pas !’… et du Saint-Esprit…’Veux pas !’. Et pourtant baptisé, il l’était bien puisque l’acte liturgique avait été fait ! Baptisé sans le vouloir, il l’était bel et bien ! J’ai vu ce prêtre oindre le front de l’enfant avec le ‘chrême’ et le sacristain essuyer aussitôt (le ‘gras’ pourrait tacher le vêtement blanc dont le bébé était déjà revêtu !). J’ai vu un parrain recevoir le cierge avec la lumière prise au cierge pascal, signe de sa mission, et le souffler aussitôt parce qu’il ne savait pas qu’en faire. Ce cierge jamais rallumé irait dans le tiroir à souvenir au cas où…

Quelles leçons en tirer ? J’avais obtenu que le conseil décanal s’accorde pour proposer (difficilement) de ne pas baptiser un enfant en dessous de deux ans et même d’attendre un meilleur âge, quand il y aurait ‘mémoire’ du rite imposé et explication. A quelques-uns, nous proposions un baptême par ‘étapes’, en accompagnant la croissance pour arriver à un acte libre : ‘Je veux bien !’. 

Lors des rencontres de préparation, la présentation du baptistère comme le symbole du tombeau (vide et ouvert) du Christ était très mal perçu : il donnait l’impression de ‘tuer’ l’enfant (qui est pourtant un ‘condamné à mort’ depuis le jour de sa conception !) alors que ce qui était voulu était une protection par un acte qui apaiserait Dieu d’une possible colère mortifère, tout humain héritant du péché des parents qui ont mélangé leurs sexes !

J’avais été autorisé par l’équipe pastorale à faire évoluer la pratique liturgique. Le baptême serait conféré, après préparation des proches lors d’une des assemblées dominicales (pendant la ‘messe’ !). Ce ne furent pas toujours des moments heureux ! Venaient à l’assemblée des membres de la famille qui n’avaient plus aucune habitude de fréquenter un culte… Ils y venaient de façon ‘profane’, comme à un spectacle, certain sortant avant la fin puis rentrant une fois la cigarette fumée ! D’autres n’avaient pas la ‘classe’ requise ni le vêtement selon les codes de bienséance… Comment éduquer une assemblée à sa mission, héritée du comportement de Jésus, de bienveillance et de miséricorde, en adaptant sa pratique liturgique à un accueil bienveillant et accompagnant? 

Progressivement, j’avais établi une action liturgique en différentes étapes. La première consistait à accueillir les parents dans l’assemblée ‘comme des catéchumènes’ en réduisant le nombre des lectures prescrites. L’évangile du jour avait fait l’objet d’une première écoute lors de la préparation. Lire (parfois mal) des textes très anciens sans préparation serait courir le risque d’un rejet par un afflux de mots sans enracinement. Le commentaire conduisait les parents demandeurs à dire ce qu’ils attendaient et ce qu’ils espéraient de l’acte posé, leur ‘foi’ en quelques sorte. L’assemblée ensuite proclamait la  foi de l’Eglise, celle dont tous étaient responsables en paroles et en actes. Dans ces ‘fois’ exprimées, le candidat sera baptisé. Quand parrains et marraines étaient mieux animés d’une foi vécue, je les invitais à compléter l’eau du baptême par un peu de leur eau, de cette foi personnelle avec laquelle ils voulaient ‘mouiller’ l’enfant. Quand venait le moment où l’enfant serait touché par l’eau, je disais : ‘A la demande de tes parents et au nom de cette assemblée croyante, je te mouille de la foi qui nous habite, au Nom du Père, du Fils et du St-Esprit’. Puis, prenant l’enfant des mains des parents je les invitais à leur tour à prendre un peu d’eau et à dire ‘JE te baptise au Nom…’. Beaucoup m’ont dit combien ce moment était émouvant.

Ensuite, j’appelais parrains et marraines. Je ‘oignais’ leurs mains : ’Laissez vous imprégner par l’Esprit de Jésus pour être son témoin auprès de cet enfant’. Et puis : ‘Posez la main ointe sur le front de l’enfant, comme un engagement dans la tendresse’.  Selon le canon, le prêtre fait l’onction : ‘Reçois’ l’Esprit-Saint…’ en sachant que cela ne fonctionnera pas puisque la confirmation appartient à l’Evêque. Il fallait sortir de cette duplicité d’un rite vide mais conservé en souvenance de la pratique ancienne. Un accompagnement progressif devrait mettre en évidence le temps nécessaire pour passer de chrétien confirmé (dans la foi des parrains témoins de l’Eglise) à chrétien affirmé par un engagement pris devant l’Evêque de participer à la mission d’annoncer Jésus, mort et ressuscité, en pratiquant la charité qui en est le signe efficace.

Les parrains prenaient la lumière au cierge pascal et la déposait sur l’autel. La chorale chantait : ‘Tu es reconnu enfant de Dieu et frère de Jésus…’ en place de ‘Tu es devenu…’ pour enlever au rite une puissance magique imaginaire. A la fin de la célébration eucharistique, avant d’envoyer l’assemblée vers sa tâche, je remettais le cierge aux parents. Ils se levaient pour le recevoir. J’étendais les mains sur eux : ‘Sur vous je dépose la tendresse de Dieu. Il vous fait confiance. En utilisant ce cierge pour des moments de prière avec votre enfant vous l’aiderez à grandir dans la foi’. La signature du registre se faisait à l’écart comme un acte secondaire.

J’ai essayé de signifier ainsi la part à prendre par chacun. Je ne pense pas que cela ne survivra pas dans les mains du nouveau cléricalisme qui se fait jour. Ces clercs, interprètes et agents exclusifs de la volonté de Dieu !

Episode 1 – le mot « communion »

Traduction : dans la racine latine = trahir ou livrer. Toute traduction comporterait une trahison, donc il faut creuser.

Aujourd’hui, ma réflexion porte sur le mot : communion.

Quelqu’un, faussement inspiré (?), a transposé communion en commune-union pour renforcer un sentiment d’adhésion : être en union très intime avec le Christ (parfois enfermé dans une hostie).

Or, toujours en latin, munus/muneris, a le sens de ‘salaire ou récompense’. Avec le préfixe cum, il faudrait entendre : salaire commun, même salaire partagé.

En relisant la parabole des ‘ouvriers de la onzième heure’ (Mt, 20 1-16), le mot communion ouvre un autre espace de recherche ou d’appel. Le texte pointe sur la manière dont Dieu seul est juste : il donne tout ce qu’il est de la même manière à chacune et chacun. Il est le ‘salaire’ de tous.

Riche ou pauvre, actif ou passif, prêtre ou laïc, actif très actif ou sympathisant, le ‘patron’ de l’Eglise les regarde du même amour. Il ne peut donner à chacun que ce qu’il est et ce qu’il est indivisible. Il se donne tout entier. Notre valeur à ses yeux ne vient pas de ce que nous produisons et en plus c’est un don ‘gracieux’. Nous pourrions réentendre les mots de Paul pour saisir à plein la gratuité de cette tendresse que Dieu nous voue : l’agapè ne se place pas en banque, ne cherche pas son propre intérêt, ne connait ni inflation, ni déflation… (1 Co,13). L’agapè désigne aussi un repas abondant et fraternel. Il dit qu’un repas fraternel et ouvert à tous, en particulier aux plus pauvres,  est nécessaire pour que le rêve d’un amour universel bienfaisant devienne réalité dans le partage de ce qui nourrit aussi le corps. L’agapè grecque (tendresse et fidélité) a été rendu en latin par ‘caritas’, en français ‘charité’ et avec le temps, ce mot s’est affadi. (Cf. ‘faire la charité’ : mettre un sou dans la sébile du pauvre).

Se questionner : si Dieu se donne de la même manière à toutes et tous et ne fonctionne pas au mérite, comment transposer ce fait dans le ‘Culte des saints’ et l’accès à la sainteté reconnue à preuve des miracles accomplis ? Si le repas entre chrétiens est devenu le rite de la messe, que lui manquerait-il pour rendre manifeste que le même salaire, le même traitement par le Maître, suffit à tous et nous fait grande joie ? Quelqu’un faisant irruption de l’extérieur dans cette forme symbolique de repas pris en commun s’exclamerait-il aujourd’hui en sortant ‘Venez voir comme ils s’aiment’ ?

Quand je lis dans certaines chroniques paroissiales en cette période de COVID : « Pour assister à la messe (réduite à 15 participants), il faut téléphoner au secrétariat »’, je suis sidéré…

Faites-vous grand bonheur au long de ce jour !

— Marc Scheerens.

Episode 2 – un langage de paraboles

Mots ‘gâchés’* (suite)
*Comme sont gâchés les ingrédients du mortier ou du plafonnage.
Pour le sens de ‘communion’ (article précédent), com-munio en latin, soit même salaire (munus),
soit même charge (munia). Il est recommandé de mélanger les deux ingrédients.
‘In illo tempore… En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples…’
Ces mots d’introduction à la lecture d’un (petit) morceau d’Evangile nous sont familiers. Mais
pourquoi ne font-ils pas ‘tilt’ ? Pourquoi laisser passer ‘En ce temps-là…’ aussi facilement alors qu’ils
enlèvent au dit toute son actualité : l’évangile c’est du passé ! Nous pourrions préférer :
« Aujourd’hui, écoutons Jésus nous dire… ». Jésus va nous parler, à nous les disciples de ce temps.
S’ajoutent en conclusion « Acclamons la Parole de Dieu ! » Une sacralisation de textes que Dieu n’a
pas écrits mais qui lui sont attribués alors qu’ils s’originent dans plusieurs auteurs, avec parfois des
corrections ou même des révisions. Qui a intérêt à fixer Dieu, son être, sa pensée, dans des mots de
papier, sinon ceux (celles, mais c’est plus rares !) qui veulent commander en son nom par une lecture
étriquée et souvent moralisante ?
‘Evangile de Jésus-Christ selon Marc, Matthieu, Luc, Jean’ : non seulement Jésus n’a rien écrit mais
aucun des auteurs des récits n’a connu Jésus personnellement : ils mettent par écrit et ordonnent,
selon leur ressenti personnel, ce qui circule à propos de Jésus, de ses paroles, de ses actes, dans leur
‘église’ locale. Au moment de la mise par écrit des Evangiles, tous les témoins de sa vie sont passés
avec Jésus auprès du Père. Il semblerait donc plus juste de conclure : « Tels sont les propos du Livre
pour ce jour ».
« Jésus disait à ses disciples cette parabole »
Pourquoi ce mot préféré à ‘Hyperbole’ ou ‘symbole’ ? Il désigne un langage imagé, qui fait appel à
l’écoute, à la vision, au rêve. En grec, le contraire de symbole est ‘diabole’ (qui donnera diable càd.
diviseur). Dans l’usage courant, nous entendons un acte symbolique comme un fait composé de peu
d’éléments. Le repas de la Cène est symbolique : un rien de pain, un peu de vin… (Cf. : ‘Qu’est-ce que
cela pour tant de monde ?’ R./ : ‘Donnez-leur à manger (quoi ?) : vous-mêmes’) mais le support réel
d’un grand projet.
Parler en paraboles : ouvrir l’imaginaire par le langage. (Voir le semeur semant… voir le grain
poussant… voir les oiseaux dans l’arbre, donner un nom aux oiseaux quand l’arbre devient Dieu qui
rassemble…) Depuis ce qui est vu et entendu, puis compris, il faut déduire une compréhension (de
qui est Dieu) et un passage à l’acte. La parabole laisse du choix à l’écoutant, au ‘récepteur’. Mais
parfois, comme, à propos de la parabole du Semeur dans les évangiles dit synoptiques, le texte
originel, rapporté de mémoire, est réinterprété par les auteurs de l’écrit et leur église. Ainsi, il
devient difficile de ‘voir’ que la parabole parlait de la générosité de Dieu qui sème à tout vent (mieux
que Larousse !) sans chercher d’abord un résultat. La tradition nous a fait dévier sur la qualité de la
terre et attire l’attention sur une sanction possible. Jésus est ‘vu’ comme le semeur qui répand sa
parole, une parole formalisée par l’Autorité de l’Eglise…
Comment inventer en catéchèse un parler en paraboles…

— Marc Scheerens.

Episode 3 – Comme on gâche le mortier…

Mots gâchés (3)

Donc, le repas de la Cène est un agir symbolique (« symbolov en grec) en conséquence, dans l’interprétation,
le « dialolov » (en grec) n’est jamais loin…
‘Il est grand le mystère de la foi’
Et la réponse : ‘Nous proclamons ta mort, Seigneur Jésus. Nous célébrons ta résurrection et nous
attendons ta venue dans la gloire !’ Et non pas ‘Christ reviendra’ comme dans l’hymne de Littelton.
En effet, c’est l’humanité entière qui est en chemin de ‘christification’, comme le suggérait Teilhard
de Chardin. Est devenu Christ (Jésus) ou du Christ (nous) celui, celle, qui a reçu l’onction ultime, le
passage par la mort pour s’accomplir en Dieu. Nous célébrons en effet la foi dans l’avenir qu’elle
nous promet : ne sommes-nous pas déjà le ‘Corps du Christ’, qui n’arrête pas de naître ?
Qui pourrait expliquer pourquoi le mot mystère n’ a pas été rendu par son équivalent
latin : ‘sacrement’. Sans doute nous pourrions y voir le culte du ‘mystérieux’ pour l’échange
admirable : non plus Jésus, né de Dieu, fait Homme, mais lu dans la transformation ou
transsubstantiation du pain et du vin en motifs adorables par l’énoncé du prêtre ‘sur les espèces’. Le
support philosophique (Platon) à la base de cette formulation n’est plus le nôtre aujourd’hui. Il nous
reste la déviance à laquelle il a conduit. Il faut donc entendre : ‘Il est grand le sacrement de la foi’.
Jésus nous laisse en partant la promesse et le signe de ce que nous serons, comme lui, ressuscités. En
mangeant le pain et en buvant le vin, nous en prenons déjà le chemin.
Le baptême (première ‘onction’) est plongeon dans la mort avec Jésus. L’eucharistie (prière du merci)
n’est pas une hostie mais l’adhésion au projet de Dieu pour les Humains. C’est l’acte de foi en notre
devenir. Si, par l’acte liturgique sacramentel, les chrétiens deviennent ensemble ‘Corps du Christ’, ils
ont ‘l’obligation (relative) de vivre comme il a vécu, de faire ce qu’il a fait et par la foi, ils en reçoivent
la force. A eux de rester branchés sur le projet énoncé et manifesté dans l’acte qui fait mémoire de
lui.
Dans le vocabulaire biblique, la mémoire n’est pas le souvenir du passé. Il invite à comprendre que ce
qui s’est passé une fois me concerne. Cela se passe une fois parce que Dieu est sans passé ni avenir :
il est ! Pour lui, hier aujourd’hui et demain, c’est maintenant. Lors du repas du ‘sheder’ (la pâque
juive) le plus jeune de l’assemblée de l’assemblée demande au plus ancien ( qui donne en
français : prêtre) : ‘Pourquoi sommes-nous ici ce soir ?’ et l’ancien lui répond par un récit : ‘Mon père
était araméen errant et Dieu l’a libéré à main forte et bras étendu’, allusion à la sortie
d’Egypte…comme si c’était hier ! Il faut comprendre que faire mémoire signifie que nous sommes
déjà présents et partie prenante d’un acte de libération. Cet acte a été fait pour nous et ne se refait
pas. En d’autres mots encore : nous sommes-là quand Jésus ‘signe’ de son Nom le pain et le vin. Le
président de l’assemblée actualise mais ne refait pas.
Il faudrait utiliser cette juste compréhension quand nous préparons un jeudi-saint ‘enfants admis’. Il
faudrait l’utiliser licitement quand, dans cette période d’exclusion du culte par les Autorités civiles et
religieuses, nous sommes amenés à rompre le pain dans nos maisons. Pour se donner lui-même,
Jésus n’a pas besoin d’un recours à l’acte magique de paroles performantes prononcées sur le pain et
le vin.
Anecdote : dans une église baroque, un prêtre tout petit et comme fondu dans un immense autel
(remplaçant abusivement la Table), dos au peuple, prononce les paroles sacrales dans des vapeurs
d’encens et le bruit de sonnailles. Un enfant murmure à son père : ‘Papa, il fait quoi le monsieur ?’.
Le père lui répond : ‘Il fait hocus pocus !’ Cette réponse mélange les sons de ‘Hoc est enim corpus
meum…’ et de ‘Hic est enim potus sanguinis mei…’. Ainsi disparait le sens au profit de la formule magique de transformation qui sera reprise par les magiciens de théâtre. Il en reste quelque chose
dans la pratique d’aujourd’hui…

— Marc Scheerens.

Episode 4a . Carême ou quarantaine ?

 Mots gâchés 4a.  Ce mélange qui fait le mortier de nos croyances…

Une fois de plus (30, 40, 50, 60, 70 X déjà ?) nous nous préparons à l’abstinence et à la retenue pour obtenir le pardon de Dieu au cas où surviendrait la mort. Comment ce temps de pénitence (En latin, ‘le temps du regret’) s’est-il imposé comme une pratique nécessaire ? Cette pratique annuelle nous aide-t-elle à être des meilleurs témoins de la nouveauté (bonne nouvelle)  apportée par Jésus de Nazareth, le témoin fidèle ? La ‘quarantaine’ est un mécanisme de protection sociale que nous expérimentons depuis un an à cause d’un virus incontrôlé. Comment cette sanction et sa force de protection est-elle devenue obligation en christianisme ?

Baptême et réintégration

« Vous tous qui avez été baptisés en Christ, vous êtes morts au péché, vivants en Dieu une fois pour toutes.»  Paul, le premier théologien du christianisme, débutait ses lettres en saluant ‘la communauté des saints qui est à… (Corinthe, Philippe, à Salonique…)’. En effet, un baptisé est revêtu de la sainteté qui n’appartient pourtant à Dieu seul (Cf. dans le rite : le vêtement blanc) et donc, selon ce principe, il ne pèche plus ! Les baptisés en Christ témoignent de l’avenir promis à tout humain (la résurrection) en étant assidus à la prière, à l’apprentissage du contenu du message pratique laissé par Jésus et ses premiers témoins, accompagnés d’un partage des biens. Puisque tous sont appelés à rencontrer Dieu tel qu’il est, le bonheur n’est pas dans la possession des biens mais dans la justice et l’équité, dès maintenant, puisque à la mort nous serons tous traités de la même façon par un Père bienveillant. C’est un idéal élevé. Dès le début, les actes (AA. 4, 32 +)) relatent qu’il y a eu des fraudes. Puis, selon ce que rapporte l’Histoire, des baptisés ont renoncé à cette pratique chrétienne de la vie orientée par sa finalité, à cause des persécutions. Dans les périodes d’accalmie (quand le pouvoir en place était plus tolérant), certains voulaient revenir à cette foi, à cette conception du sens de la vie. En même temps, une organisation se mettait en place pour relier les différentes ‘communion des saints’ et assurer la cohérence du contenu du message reçu. Guidée par la conviction que Dieu est pardon et miséricorde, l’Eglise en formation met au point un ‘second baptême’, une seconde chance en quelque sorte. Comme le baptême est unique et engageant, le second baptême sera lui aussi unique : il ne pourra exister qu’une seule ‘réintégration’. Comprenons ce qui est signifié : est excommunié celui ou celle qui met en péril la vérification, par une pratique sociale nouvelle, du contenu du message (la foi en la résurrection), soit par fraude soit par la peur de mourir dans les jeux du cirque. Pour réintégrer la ‘communion’ et sa pratique, est mis en place un regret publique de quarante jours sur ‘le sac et la cendre’. Il faut encore nous souvenir que le baptême n’était conféré qu’une fois par an, lors de la fête de Pâques,  mais après un catéchuménat et des scrutins qui permettaient aux membres de la ‘communion locale’ de dire oui ou non. Oui, il pratique avec nous la charité et l’annonce ! Non, il n’y est pas encore !  Avec ce bref aperçu, il est permis de questionner l’actuelle pratique du baptême de masse. Et c’est bien le ‘second baptême’ qui est devenu notre carême.

De la grande pénitencerie à la confession

En une page, il n’est pas possible de détailler les étapes qui ont conduit à la situation actuelle. En simplifiant, il apparaît que le comportement qui était incompatible avec l’annonce du message (la résurrection et sa conséquence pratique, la justice pour tous) est devenu une généralisation arbitraire : tout humain est pécheur quoiqu’il fasse ! Il ne survivra, il ne se sauvera, que par des rites de pardon présidés par un prêtre. Si, au commencement, il y avait aveu devant la communauté, volonté affirmée de réparer la faute commise puis réintégration (une fois !) avec St-Thomas (1225-1274), la pratique de la pénitence devient : aveu au prêtre, absolution par le prêtre, puis ‘pénitence’ sous forme de ‘pater’ ou d’ ‘ave’ à réciter. (Notons qu’il existait d’autres sanctions possibles comme un pèlerinage ou une participation en argent aux œuvres de miséricorde). Ce n’est donc plus la mise en danger de la cohérence, entre le contenu du message et la pratique sociale qui en découlerait, qui est sanctionnée. C’est le besoin très individualiste et personnel de sauver son âme pour bénéficier de la vie éternelle. Tous les ans chaque baptisé est convié à se conformer à l’état de ‘pécheur depuis le sein de sa mère’. Or l’humain a le droit de se tromper. Il peut commettre une faute de jugement qui entraîne une conséquence mauvaise inattendue. Avec le catalogue des péchés, toute faute est devenue péché et tout péché doit être confessé à un prêtre seul habilité à dire : « Que notre Père vous montre sa miséricorde. Par la passion du Christ, il a réconcilié le Monde avec lui et il a envoyé l’Esprit-Saint pour la rémission des péchés ; par le ministère de l’Eglise qu’il vous donne le pardon et la paix. » ‘Péché mortel toujours confessera et tout péché au moins une fois l’an’. Le sens des mots s’est perdu : la confession n’est plus une confession de foi mais l’aveu d’une faute ; la pénitence n’est plus le regret précédent réparation mais la prière personnelle conclusive (3 pater…)

Le premier confesseur d’un mari, c’est sa femme et l’inverse vaut aussi. Confesser en action de grâce (eucharistie) la beauté de tout amour humain sincère et la joie de vivre en couple. Par la parole et l’échange se redonner les chances nécessaires pour affronter les tempêtes extérieures et intérieures avec paix et sérénité. En ce temps de quarantaine, oublier le sac et la cendre pour aimer son corps, la maison du moi, et en prendre un soin particulier en vue de la résurrection attendue et espérée (onction de Béthanie dans Mc 14,8), inventer un rite nouveau. – A suivre…

Episode 4bis. Se mettre en quarantaine obligatoire 

Mots gâchés   4bis Le liant de nos pratiques

Le chemin vers le baptême, au commencement de la mise en place du ‘Mouvement Jésus’ dont les membres se désignaient comme ‘Adeptes de la Voie’, était rigoureux. Le demandeur recevait de la ‘Communion’, qu’il voulait rejoindre, un parrain ou une marraine (suivant qu’il fut homme ou femme), qui allait lui livrer le contenu de la ‘Voie’ et ses conséquences pratiques. C’était le temps de la traditio. La nuit de Pâques viendrait le temps de la reditio : rendre à la l’assemblée ce qui avait été reçu pour agir avec elle. Comme il s’agissait de se différencier, par la pratique et le contenu d’une foi, des autres mouvements existants, l’exigence de vérité était importante. Quand les Pâques au cours desquelles le candidat serait intégré à l’assemblée approchaient, la dernière préparation prend corps (dans tous les sens du mot !). C’est l’entrée en quarantaine (modèle biblique : 40 jours, le temps nécessaire à une adhésion et une conversion). Une quarantaine de vérification, dans le jeûne et la prière.  

Le contenu de la préparation s’est fixé : passer du baptême de Jean au Jourdain (échapper à la colère qui vient) au baptême de Jésus (recevoir en cadeau la vie éternelle en ‘plongeant’ dans la mort avec Jésus).

 Les étapes : Jésus est mis à l’épreuve dans le désert ou comment refuser d’utiliser la foi en Dieu pour briller devant les hommes – Jésus est transfiguré vs Jésus défiguré par la croix – L’entretien avec la samaritaine : l’eau qui nourrit la vie est une source intérieure qui dépasse les pratiques religieuses (de Samarie ou de Jérusalem) – Le récit de la guérison d’un aveugle : d’où vient cette eau qui lave son regard et lui donne de voir et de confesser qui est Jésus ? – Le relèvement de Lazare, ultime catéchèse sur le sens du passage par la mort où Jésus rend à Marthe et Marie un Lazare ‘ressuscité’. Après cet enseignement/approfondissement, il y aura une semaine sainte. Un catéchumène ne participe pas à la Cène, qui est un moment liturgique ‘réservés aux saints’, càd. aux baptisés. Il pourra méditer la ‘passion’ le vendredi puis se présenter, dans la nuit du samedi, à la cuve baptismale, conduit par son parrain ou sa marraine. Ceux-ci acquièrent alors un rôle liturgique : derrière un voile déshabiller (tout un symbole) le catéchumène pour le plonger nu et totalement dans la cuve pendant qu’il entend la voix d’un diacre, derrière voile, dire : ‘X ou Y, tu es plongé dans la mort (expérimentée par la noyade) avec Jésus pour ressusciter avec lui, baptisé au Nom du Père, du Fils et du St-Esprit’. Au sortir de la cuve, le baptisé est rhabillé d’un vêtement blanc (revêtu du Christ pour confesser le Christ) et, dans cette nuit, reçoit un cierge allumé : vaincre les ténèbres en annonçant la résurrection. Le cortège des baptisés processionne du baptistère pour entrer dans l’assemblée ecclésiale. Cette assemblée est à son tour illuminée par ce cortège et renouvelle son adhésion en professant la foi de l’Eglise, pendant que les nouveaux baptisés s’agenouillent aux pieds de l’évêque pour être confirmés, càd. : rendus forts (firmare cum Spiritu Santo) pour participer à l’annonce et à la mission de toute l’Eglise. La liturgie étant un conservatoire des habitudes, nous en retrouvons des traces dans nos pratiques rituelles où tout s’est affadi. Le recours à l’histoire du sacrement devrait nous autoriser une critique constructive de tant de vieilles habitudes.

Quand la pratique religieuse a supplanté la foi, pour jouer son rôle, l’Eglise a adouci les normes d’adhésion. Il devenait évident que la masse des chrétiens obligés devait être guidée fortement et qu’un carême imposé à tous les rapprocherait (supposition !) des exigences d’un mode de vie lié au baptême. Le baptême étant redevenu un acte de purification pour échapper aux enfers, se présenter comme pécheurs repentants préservait de la damnation. La catéchèse des catéchumènes est redonnée à tous magistralement chaque année (Anne A de nos lectionnaires) par la liturgie mais il n’y a plus le dialogue constructif entre candidat et parrain. Le sac et la cendre (état de pécheur public) deviennent une croix noir sur le front, imposée par un prêtre. Faut-il rappeler que les cendres étaient faites des buis donné aux ‘rameaux’ de l’année précédente, brûlés, signe d’un aboutissement et d’un recommencement obligé de ce chemin qui maintient le pécheur dans l’état de pécheur ? Où serait alors la joie pascale écrite par St Paul : « Vous tous et vous toutes qui avez été baptisées en Christ, c’est dans sa mort que vous avez été baptisés. Baptisés dans sa mort, morts au péché, mais vivant en Dieu une fois pour toutes !…Menez donc une vie digne de la grâce (=don gratuit) que vous avez reçue ».

L’Eglise jouant aussi un rôle politique et social, les différentes interdictions liées au carême (la chasse, la guerre, la relation sexuelle, …) pouvaient guider vers un apaisement des mœurs par des pratiques non-violentes, tout comme le jeûne pouvait aider à accepter la faim chez les plus pauvres (une période de disette entre l’épuisement des réserves avant l’hiver et l’attente des nouvelles ressources alimentaires du printemps). Le jeûne et la prière ne se suffisent pas à eux-mêmes comme actes de dévotion salutaire : il faut ajouter l’aumône. Mais, en toute logique, le partage devrait suivre le carême puisque le signe qu’on vit déjà en ressuscités virtuels est la mise en commun des bien (Ac. 2,42-44). Tout ceci est brossé à gros traits : une invitation au lecteur de vérifier et de fonder ce propos.

Homélie pour la fête de la Pentecôte

par Eric Mattheeuws

« Sanctuaires de Dieu et Corps du Christ »C’est un moment que j’aime me représenter : les Apôtres qui jusque là étaient craintifs, fragiles et enfermés, sortent et se mettent à annoncer, à proclamer à haute voix. Il y a là pour moi une des plus fortes réalités du Nouveau Testament : il est arrivé quelque chose à ces hommes-là, une expérience d’une force très particulière. Mais il ne faut pas croire que c’est une sorte de privilège unique auquel ils auraient eu droit. D’ailleurs, je me pose la question : le livre des Actes des Apôtres nous dit l’étonnement des foules : « comment-se fait-il que chacun de nous les entende dans son propre dialecte ? » Cela ne signifie-t-il pas que l’Esprit qui souffle dans la voix des Apôtres souffle également dans les oreilles de ceux qui les écoutent ? Poser la question, c’est y répondre. L’Esprit Saint, c’est Dieu qui est totalement déconfiné, c’est Jésus qui n’est plus lié par les limites de sa présence physique. L’Esprit Saint, c’est le Souffle divin qui respire en chaque existence, et non pas seulement chez certaines catégories de personnes. Ce jour-là à Jérusalem, il s’est trouvé des Partes, des Mèdes, des Élamites, des Mésopotamiens, des Égyptiens, des Romains pour être touchés par le témoignage des Apôtres. L’Esprit du Christ ne sait pas ce que c’est qu’une frontière. La Pentecôte est le déploiement plénier, dans la totalité de l’espace et du temps, de l’évènement de la Résurrection du Christ.Pourtant, cet Esprit ne fait pas beaucoup parler de lui, il est discret. Comme l’écrivait Basile de Césarée au 4ème siècle : « Dieu a donné à la terre le souffle qui la nourrit. C’est son haleine qui donne la vie à toutes choses. Et s’il retenait son Souffle, tout s’anéantirait. Ce Souffle vibre dans le tien, dans ta voix. C’est le Souffle de Dieu que tu respires – et tu ne le sais pas. » Le théologien orthodoxe Olivier Clément commente : « l’Esprit est le Dieu secret, le Dieu intérieur, plus profond que notre grande profondeur. » (O. Clément, Sources, DDB, 2008, p.88.) Quelle surprise et quel émerveillement si, quand je me dispose à écouter le souffle qui vibre en moi, je découvre que c’est aussi le Souffle de Dieu qui respire en moi. Il respire, c’est-à-dire qu’il diffuse en moi un souffle qui vient de Lui, il suscite en moi une vie dont je ne savais pas qu’elle était divine.Dans l’évangile de ce jour, la visite du Ressuscité aux Apôtres nous donne quelques exemples de cette vie qui accompagne le Souffle de Dieu. Les Apôtres étaient enfermés, les voilà déverrouillés. Ils étaient inquiets, ils reçoivent la paix. Ils étaient figés, ils sont envoyés. La marque par excellence de l’entrée en eux de l’Esprit Saint est la capacité qu’ils reçoivent de pardonner les péchés, qui jusque là était réservée à Dieu lui-même. En fait, pour le dire en bref, investis du Souffle de Dieu, les Apôtres deviennent des autres Christ – d’ailleurs on finira par appeler les disciples les « christiens », puis « chrétiens ». Cela ne leur donne pas le monopole sur l’Esprit Saint, qui comme on l’a dit ne connaît pas de frontières ; mais eux le connaissent, savent que cet Esprit est celui du Christ. Ils savent que ce Souffle les garde en lien avec Jésus ressuscité présent au milieu d’eux. Ils peuvent appeler l’Esprit, l’écouter, le célébrer, et faire corps autour de lui. Saint Paul écrira : « Ne savez-vous pas que vous êtes un sanctuaire de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? » (1 Co 3,16) et « Vous êtes corps du Christ et, chacun pour votre part, vous êtes membres de ce corps. » (1 Co 12,27) Pour eux, ce sera le cœur de leur foi et même le pivot de leur existence : faire corps avec le Christ et autour de lui. Là était pour eux la source de la foi, de l’espérance, de l’amour qu’ils avaient reçus, dont ils voulaient vivre et dont ils étaient appelés à témoigner.C’est donc le même Esprit, le même Souffle divin qui irrigue les profondeurs de tout être humain et qui édifie l’Église. C’est l’Esprit de résurrection, de plénitude, de communion. C’est l’Esprit qui nous fait vibrer à la beauté de la nature, à la douceur de la tendresse, à l’impératif de la justice, à la souffrance des innocents, à la force d’une vraie unité entre les humains, à la pureté de la vérité.Ne laissons pas passer cette fête de la Pentecôte sans nous arrêter pour écouter notre souffle intérieur, et pour en même temps nous ouvrir, nous épanouir dans un désir, une demande, une prière : Seigneur, envahis-moi de ton Souffle qui vibre dans mes profondeurs, qu’il me fasse me déployer, entrer dans une communion avec l’aspiration du monde à être plus vivant, qu’il me garde dans la communion au Christ qui révèle la plénitude de toute vie. Esprit-Saint, toi le Dieu discret, sois le Souffle de mon quotidien. Dans les lieux où je vis, dans mes relations, dans ce pour quoi Dieu compte sur moi, déverrouille-moi, apaise-moi, envoie-moi.

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Homélie de la Pentecôte

Par Ignace Plissart

Laissez-vous mener par l’Esprit-Saint !

ICo 12,3…13; Act 2,1-36; Jn 20,19-23

Shavouoth (ou la Pentecôte) est, avec Pesha (ou la fête Pâque) et avec Souccoth (ou la fête des Tentes), une des trois grandes fêtes du judaïsme. Comme pour ses deux sœurs jumelles, son origine remonte au séjour des Hébreux au désert, il y a trois mille ans d’ici. Littéralement Shavouoth, veut dire ‘fête des semaines’, des « sept semaines » qui la sépare de Pesha [(7×7) +1].

Pour nos frères Israélites, Shavouoth évoque quatre événements de leur histoire :

  • – l’arrivée des Hébreux au pied du Sinaï cinquante jours (49 + 1) après la traversée de la mer des roseaux. D’où l’appellation actuelle ‘Pentecôte’ qui dérive de l’expression grecque ‘η πεντηκοστη ημερα’, ce qui veut dire ‘le cinquantième jour’ (après Pesha).
  • la transformation d’une foule d’immigrés en un peuple.
  • la remise à ce peuple des deux tables de la Loi ou Décalogue
  • le don de l’Esprit Saint aux (seuls) anciens de ce peuple

Pour nous chrétiens, cette fête évoque :

  • l’inscription de l’accomplissement des deux Tables de la Loi mosaïque au plus intime de nos cœurs (Le
  • sermon sur la Montagne (Mt 5, 6 et 7)
  • le don de l’Esprit Saint qui nous donne la capacité de pratiquer la Loi mosaïque dans son accomplissement
  • Le renouvellement (rajeunissement) du peuple de Dieu en l’Église.


Plus qu’une évocation du passé, chaque fête de Pentecôte célébrée dans la foi est une grâce, pour chacun d’entre nous et pour l’Église dans son ensemble.
Elle est d’abord une grâce pour chacun d’entre nous :
Alors que nous sommes faits pour communier à Dieu et aux autres, l’esprit du monde nous pousse à l’exaltation de notre ego, à la violence, à la haine de l’adversaire, à la compétition sans merci (Ôte-toi de là, que je m’y mette !), à l’ignorance de Dieu et à la méfiance à son égard. Or l’Esprit Saint peut nous aider à échapper à ses pièges !
Comment ? En lui faisant confiance !

«Laissez-vous mener par l’Esprit et vous ne risquerez pas de satisfaire à la convoitise
charnelle. Car l’œuvre de l’Esprit en vous est charité, joie, paix, patience, serviabilité, bonté, confiance, douceur et maîtrise de soi. » Gal 5,16-24

L’Esprit Saint peut aussi nous réintroduire dans la vraie liberté qui est capacité à faire le bien :

« Agissez en hommes libres, non pas en hommes qui font de la liberté un voile sur leur malice, mais en serviteur de Dieu. » I Pi 2,16

Il peut aussi gratuitement effacer de notre cœur toute trace de peur, de culpabilité, et nous introduire dans une confiance radicale au Seigneur.

« L’Esprit que vous avez reçu, ne fait pas de vous des esclaves, des gens qui ont encore peur. C’est un Esprit qui fait de vous des fils » Rom 8,15

L’Esprit saint est le seul à pouvoir nous donner de comprendre le message évangélique :

« Le défenseur, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit. » Jn 14,27

Mais la Pentecôte est aussi la fête de l’Église, du peuple de Dieu renouvelé.
Tous les groupes humains, sans exception, des plus petits aux plus grands, depuis les couples jusqu’aux nations, souffrent d’intolérance, de division, de la violence. Et l’Église n’échappe pas à ces pathologies. Elle aussi a un besoin urgent d’être purifiée par le feu de l’Esprit. Je n’en doute pas : En ce temps de Pentecôte, l’Esprit Saint va renouveler l’Église, notre mère et la guérir.
Il va redonner à l’épouse du Christ, plus d’ouverture, plus de catholicité, plus d’unité, plus de diversité, plus de tendresse pour les « petits ».
L’Esprit Saint va nous faire comprendre que l’Église a un avenir devant elle, que la vraie Tradition n’est pas répétition pure et simple du passé, mais création toujours nouvelle en fidélité au « dépôt de la foi » (L’enseignement des Douze : les écrits du N.T. et parmi ceux-ci,
plus particulièrement les évangiles).
Il va nous faire comprendre que la Tradition n’est pas comparable à une boule de neige qui s’enfle sous la poussée d’enfants amusés et qui finit par s’immobiliser du fait de son trop grand poids. Non, elle est comme le chant de la source, qui selon les saisons adapte son rythme, son volume, sa mélodie.
Et je termine notre propos en vous lisant et en vous commentant le bref message que Roger Schutz, le fondateur de la communauté œcuménique de Taizé, adressait aux jeunes chrétiens, il y a de ça presque cinquante ans (Pâques 1972 ?)

Le Christ ressuscité (et son Esprit) vient animer une fête au plus intime de l’homme… Il nous prépare un printemps de l’Église, d’une Église
dépourvue de moyens de puissance, lieu de communion visible pour toute l’humanité, prête à un partage avec tous… Il va nous donner assez d’imagination et de courage pour ouvrir une voie de réconciliation. Il va nous préparer à donner notre vie pour que l’homme ne soit plus victime de l’homme.

Depuis cette proclamation, beaucoup de choses ont changé dans l’Église, et en bien. Il est important et juste de le constater. Manifestement, nos communautés ont gagné en simplicité, en humilité, en fraternité. La participation des laïcs s’y est intensifiée. La foi est devenue plus personnelle. Le prêtres est descendu de son piedestal. Le langage de Pierre est devenu moins rigide, plus vrai, plus accessible. Pensez à l’encyclique « Laudato si » du pape François ! Aujourd’hui dans la persécution,
les chrétiens s’inquiètent moins de se défendre que de témoigner.
Cela dit, ce serait illusion que de penser que l’Esprit Saint a achevé son travail d’aggiornamento. Nous sommes comme au milieu d’un gué ; nous laissons dernière nous une rive où nos pères avaient développé pendant des siècles une culture chrétienne bien particulière, pas toujours évangélique, et nous nous dirigeons vers une autre rive, vers une autre culture chrétienne qui devra intégrer les acquis en exégèse, en anthropologie, en bioéthique, en psychanalyse, en philosophie, en astronomie, en physique, etc.; cette nouvelle culture devra intégrer le fait que les terriens ne forment plus qu’un seul village, qu’ils sont les gardiens de la nature; elle devra assimiler les valeurs démocratiques, reconnaître les ministères nouveaux qui émergent aujourd’hui, oser jeter les filets en eaux
profondes, oser libérer la parole, oser le dialogue entre nous, et aussi avec nos frères séparés, avec les Musulmans et les adeptes des autres religions ; elle devra renoncer à cette attitude de repli ou d’assiégés encore trop présente ; elle devra renouveller sa confiance en l’homme, etc.

Que deviendra l’Église de demain ! Je ne puis vous le dire, mais ce que je sais, c’est qu’arrivée sur l’autre rive, elle sera redevenue une lumière pour le monde

Homélie du 3ème dimanche de Pâques

Le kérygme
Act 3,13…19; 1Jn 2,1-5; Lc 24,35-48
(Par Ignace Plissard)

Le livre des Actes, dont nous venons t’entendre un extrait, raconte tout au long de ses 28 chapitres comment la Bonne Nouvelle s’est répandue, depuis Jérusalem jusqu’à Rome, cœur de l’empire Romain. Ce livre est le seul à nous avoir transmis les toutes premières prédications de Pierre et Paul aux juifs et aux païens ignorant encore tout de la Bonne Nouvelle.

Ces prédications choc appartiennent à un genre littéraire bien particulier : le kérygme, genre littéraire, relativement bref, concis, percutant, allant droit à l’essentiel de la Bonne Nouvelle. Ce genre littéraire se distingue de la catéchèse et de la parénèse : La catéchèse est un enseignement plus long, préparant les catéchumènes au Baptême et à la Fraction du pain, et initiant à l’éthique évangélique (le chemin des béatitudes) – La parénèse, quant à elle, a pour but d’entretenir la vie chrétienne des disciples. En principe, les homélies appartiennent à ce dernier genre.

Le mot « kérygme » est d’origine grec ; il évoque l’annonce faite aux habitants d’une ville, d’un événement majeur heureux, telle qu’une victoire sur l’ennemi, la chute d’un tyran ou le sacre d’un nouveau roi.

Comme l’évangile de ce jour se termine sur une invitation à témoigner (« C’est vous qui êtes mes témoins !  » dit Jésus aux apôtres), il me semble tout à fait indiqué de relire le témoignage de Pierre que nous offre la première lecture et de l’observer jetant le filet en eaux profondes, et le ramenant sur le rivage avec de nombreux poissons.

L’observation de Pierre nous apprendra la bonne manière de jeter le filet, car, soyons honnêtes, beaucoup d’entre nous l’ignorent encore. Combien d’entre nous osent aller en eaux profondes jeter le filet ? Combien d’entre nous savent comment faire? Combien d’entre nous sont capables d’énoncer clairement l’essentiel de leur foi, de toucher des cœurs et d’amener le non-croyant à la conversion ?

Un examen comparatif des prédications choc de Pierre et de Paul nous amène à la constatation qu’elles s’organisent toutes sur un même schéma.

Quel est ce schéma ? Comment les apôtres procèdent-ils ?

Les apôtres partent toujours d’une question qui leur est posée ou d’un reproche qui leur est fait.
« Tes compagnons sont pleins de vin doux ! » « Par quelle puissance, le paralysé de la Bonne porte a-t-il été guéri ? » « D’où vient la paix et la joie qui règnent entre vous ? »
Le kérygme doit donc être sollicité, ne serait ce qu’implicitement ; il doit encore tenir compte de la culture de l’interlocuteur, de son histoire, de ses acquis philosophiques, de l’image qu’il se fait de Dieu. Paul ne parle pas aux Athéniens comme aux Juives de la ville de Philippes.

A la question posée, l’apôtre donne tout de suite l’essentiel de la réponse : Jésus!
En effet Jésus est au cœur de la Bonne Nouvelle, il en est le centre, l’âme. Jésus, dit l’apôtre, peut devenir la source de ta joie, Jésus peut te remettre debout, Jésus t’aidera dans ta quête de Dieu, Jésus t’apprendra à aimer, Jésus est le seul à t’ouvrir à la vraie vie. Dieu, qui est un père, vous enjoint de l’écouter, de lui faire confiance, de lui obéir.

Après cette première annonce, l’apôtre marquait une pose.
Conscient que Jésus ‘selon la chair’ est inconnu ou mal connu de ses auditeurs, l’apôtre prend alors le temps de le présenter.
Dans la première lecture (Act 3,13), Pierre, s’adressant à des juifs ayant eu l’occasion de rencontrer Jésus, d’entendre son message de Sagesse, d’être témoins de ses guérisons, se contente d’évoquer son procès, sa condamnation injuste, sa mort en croix. Ses auditeurs sont au courant des faits et gestes de Jésus. Inutile de s’y attarder !
Par contre lorsque Pierre s’adressera plus tard au Centurion Corneille (Act 10,34-48), il prendra tout son temps, conscient d’avoir devant lui quelqu’un qui de Jésus ne sait rien. Il lui racontera tout ce qu’il sait de Jésus depuis son baptême au Jourdain jusqu’à sa mort en passant par son ministère en Galilée.
Aujourd’hui si nous souhaitons annoncer la Bonne Nouvelle à des jeunes, il est indispensable de leur parler longuement de Jésus, du Jésus selon la chair, et de le faire, en utilisant les mots de l’évangile et leurs mots, car ceux de l’ancien catéchisme, trop abstraits et trop éloignés de leur vie, sont incapables de toucher leur cœur.

Après cet ‘arrêt sur l’image’ de Jésus, l’apôtre en venait à raconter la grande œuvre de Dieu en faveur de Jésus.
« Le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, le Dieu de nos pères a ressuscité Jésus des morts, l’a relevé de la mort, en a fait le premier né d’entre les morts, lui a donné sa gloire en partage, l’a exalté et lui a donné le Nom qui est au-dessus de tout nom, celui de «  », càd Seigneur ou Sauveur.

En annonçant que le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, leur Dieu et son Dieu, avait ressuscité l’homme Jésus, Pierre affirmait que leur Dieu avait réhabilité Jésus, celui que le sanhédrin avait déclaré blasphémateur, qu’Il en avait fait le Vivant par excellence, le Sauveur, l’Emmanuel et, par la même occasion, Pierre révélait de leur Dieu un tout autre visage que celui qu’ils s’en faisaient : un père, renonçant à toute puissance, un ami des humbles et des petits, lent à la colère et plein d’amour.

Après avoir décrit l’œuvre de Dieu en faveur de Jésus, l’apôtre répondait aux deux grandes interrogations que son discours avait suscité : Qu’est-ce qui vous permet d’affirmer que Jésus est ressuscité ? Et pourquoi fallait-il qu’il souffrit et mourut ?
1) A la première question l’apôtre répond : « Nous en sommes témoins »
2) A la deuxième question : « Les écritures annonçaient sa mort. »

Enfin l’apôtre appelait ses auditeurs à changer de vie, à adopter le chemin de Jésus, à demeurer dans sa parole, à rejoindre la communauté de ses disciples.

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* Un mot sur le titre de  qui est le plus souvent traduit en français par le terme de « Seigneur »
A l’époque de Jésus, le terme  avait plusieurs usages :
– C’est le titre que l’empereur décernait au général victorieux lors de son retour triomphal à Rome. Dans ce contexte, « Seigneur » signifiait « celui qui a vaincu l’ennemi, celui qui a sauvé le peuple de l’adversaire ». Ce titre n’avait rien de divin. En effet pendant que la foule acclamait le général victorieux, un esclave debout, derrière lui, tenait au dessus de sa tête, une couronne de laurier, lui répétant sans cesse : « Tu n’es qu’un homme »
– Dans la traduction grecque de la Septante (antérieure au Christ),  traduit Adonaï, titre divin remplaçant le vrai nom de Dieu (le tétragramme). Dans la même traduction, Sara reconnaît en son époux, son Seigneur, son .
– Dans le N.T., le titre de , que nous traduisons par « Seigneur » est réservé à Jésus et à son Père.
– Il semblerait que ce titre n’a été utilisé à l’égard de Jésus qu’après sa résurrection (cfr Marc)

Homélie du dimanche des rameaux

« Sang versé pour la rémission de nos péchés »

Par Ignace Plissart

 

Après l’écoute du récit de la passion, on ne peut s’empêcher de se poser trois questions : “De quoi le Christ est-il venu sauver les hommes ? », « Comment concrètement le Christ a-t-il procédé pour sauver les hommes ? « Quelle est la place des souffrances du Christ dans le salut des hommes ?

 

Passons à la première question : « De quoi le Christ Jésus est-il venu sauver les hommes ? »

Le message de l’Ange à Joseph (en Mat 1,21) nous en donne la réponse : Jésus  est venu « sauver son peuple du péché ». L’expression « la rémission de nos péchés » reprend la même idée.  On la retrouve dans Symbole des Apôtres,  dans le récit de l’Institution de la Cène, et dans la première prédication de Pierre au sortir du Cénacle.  

 

Ceci dit, que faut-il entendre par le terme « péché » ? Il se dégage, en observant les œuvres de Jésus que « sauver les hommes du péché » signifie :  « les libérer de leur cécité, de leur surdité, de leur mutisme, de leur sommeil, de leur paralysie, de l’infestation de leur cœur, de leur désespérance face à la mort, de leur besoin morbide de s’auto justifier en abaissant les autres, en le jugeant ; signifie encore de leur signifier le pardon gratuit de Dieu (Si ton cœur te condamne, sache que Dieu est plus grand que ton cœur ! I Jn), etc.  Comme vous pouvez le constater, le péché déborde largement l’ancienne définition du catéchisme qui le définissait comme une désobéissance délibérée, consciente et libre à la Loi divine.

 

Ceci acquis, notre questionnement rebondit : « Comment Jésus a-t-il procédé pour sauver les hommes du péché ? »

Son mode opératoire était multiple, divers et profondément humain. Jésus  ne recourait jamais à des formules magiques (c/ dans le Vaudou), ni à des rituels sacrés supposés agir « ex opere operato », ni à des prodiges (ceux qu’on lui attribue, le sont à tort). Jésus a sauvé ses contemporains par son regard aimant (avec le jeune riche), par son toucher compatissant (avec le lépreux), par sa parole d’autorité (avec l’homme habité d’un esprit impur), par cette question « Quel est ton nom ? » (avec l’homme habité de la Légion), par cet entretien impromptu (avec l’aveugle de la porte de Jéricho), par l’annonce du Royaume de Dieu qui vient (avec les foules), etc. Tous ces modes opératoires se résumaient en un seul mot : « En les aimant profondément, humainement, en vérité « 

 

En effet le seul souci de Jésus a toujours été d’aimer sans condition chaque homme quel qu’il est, et là où il est. Vous ne trouverez chez lui aucune trace de vengeance, de mépris, de susceptibilité, de revanche, de marchandage, et ce, malgré la perspective d’une mort infamante certaine.

 

Ceci nous ramène à la 3ième  question : «« Quelle est la place des souffrances du Christ dans le salut des hommes ? Les souffrances du Christ ne prennent sens qu’en lien avec toute sa vie et tout son ministère. Elles viennent authentifier le témoignage de son amour fou pour les hommes. Ce qui sauve les hommes, ce n’est pas du sang versé, mais le service fidèle de Jésus à Dieu et aux hommes, ses frères, jusqu’à son dernier souffle sur la croix.

 

Ceci nous amène à une 4ème  question : « Quelle est notre place, à nous chrétiens, dans le salut des hommes ?

L’œuvre du Christ Jésus se poursuit à travers le témoignage et la souffrance de « son Corps » (l’Église) que forment ces hommes et ces femmes qui se laissent rassembler en son nom et vivent, dans l’assurance de son pardon, et dans l’obéissance à son commandement d’amour  vécue dans la puissance de l’Esprit Saint :

 

Vous êtes, vous, le Corps du Christ, et membres chacun pour sa part. I Co 12,27

Vous donc, les élus de Dieu, ses saints et ses bien-aimés, revêtez les sentiments de tendre compassion, de bienveillance, d’humilité, de douceur et de patience; supportez-vous les uns les autres et pardonnez-vous mutuellement, si l’un a contre l’autre quelque sujet de plainte; le Seigneur vous a pardonné, faites de même à votre tour.  Col 3,12-13

 

L’œuvre de Jésus se poursuit dans le temps par la puissance de l’exemple de sa vie et de celle de son Corps, qu’est l’Église. Et la puissance de l’exemple de l’Église est fonction direct de sa persévérance à « se souvenir de sa mort… jusqu’à ce qu’il revienne dans sa gloire » I Co 11,23

 

Si donc je vous ai lavé les pieds, moi le Seigneur et maître,

vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns les autres.

Car c’est un exemple que je vous ai donné,

pour que vous fassiez, vous aussi, comme moi. Jn 13,14-15

 

C’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres

qu’on reconnaîtra que vous êtes mes disciples. Jn 13,35

 

En fait, à chaque Fraction du pain (assemblée eucharistie),  nous nous rappelons que Christ nous a aimés jusqu’à la mort, et nous nous engageons à mourir avec lui pour « la rémission des péchés » de nos contemporains, en les aimant à notre tour jusqu’à l’extrême.

Homélie du 5ème dimanche du Carême

La soumission, cause de salut !

Jér 31,31-34; Héb 5,7-9; Jn 12,20-33

Par Ignace Plissart

 

Frères et sœurs, en écoutant la deuxième lecture, tirée d’Hébreux 5,7-9, avez-vous remarqué son lien de famille avec un hymne très connu, l’hymne au Christ en Philippiens 2,6-11 ? En effet ces deux textes appartiennent à la même veine théologique. Pour faciliter la comparaison, je me permets de vous le réciter comme je l’ai fait un jour devant une inconnue.

 

Jésus, de condition divine, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu,

mais il s’anéantit lui-même prenant condition de serviteur (litt. : esclave).

S’étant comporté comme un homme, il s’humilia plus encore,

obéissant jusqu’à la mort, à la mort sur la croix.

Aussi Dieu l’a-t-il exalté, lui a-t-il donné le nom qui est au-dessus de tout nom,

pour que tout genou fléchisse au ciel, sur terre, et aux enfers,

et que toute langue proclame

que Jésus est Christ et Seigneur à la gloire de Dieu le Père.     Ph 2,6-11

 

Cet hymne christique et son jumeau sont parmi les plus beaux passages des Lettres du N.T. Vous me direz peut-être : « Comment pouvez-vous apprécier des textes qui multiplient des mots, tels que  s’anéantir, prendre condition d’esclave, s’humilier, obéir, apprendre à obéir, se soumettre en tout, supplier avec larmes et cris ? » J’en conviens : ce vocabulaire est plein d’embûches. Il n’en reste pas moins qu’il se dégage de ces deux textes une puissance de séduction et de fascination extraordinaire.

Cette puissance de séduction, je l’ai expérimentée lors d’une semaine d’évangélisation organisée par la Légion de Marie (Un mouvement marial et missionnaire) à Lisieux dans les années 1980. Bien que certains d’entre vous connaissent cette histoire, je ne puis résister à la raconter à nouveau.

 

C’était un matin d’été. Ma compagne canadienne et moi avions reçu la mission de faire du ‘porte à porte’ dans une rue bourgeoise de Lisieux. Nous sonnons donc à la porte d’une villa. Elle était construite sur une petite hauteur. Une jeune fille vient nous ouvrir. Elle est en peignoir. Le murmure d’une bouilloire nous indique que la jeune fille préparait son petit déjeuner.

Tout de suite nous la saluons et nous nous présentons : « Nous sommes membres d’un groupe de chrétiens belges et canadiens qui consacrons la semaine à partager notre foi. Souhaitez-vous ce partage, ne serait ce que quelques minutes. »  « Oui, nous dit-elle » Je lui demande alors si elle connaît Jésus. Elle me répond que non. Étonné, je l’interroge pour vérifier son dire et constate qu’effectivement Jésus, pour elle, est un parfait inconnu. Je lui demande alors si elle souhaite que nous lui parlions de Jésus. Elle nous dit que oui. Son oui nous désarçonne ! Ce n’est pas tous les jours qu’on est amené à exprimer l’essentiel de sa foi d’une manière aussi abrupte. Par quel bout fallait-il commencer !

C’est alors que je décide de lui réciter l’hymne de Philippiens 2.

Après le lui avoir récité, je me lance dans un commentaire du texte, en m’arrêtant sur chaque mot. Et lorsque j’arrive au passage où il est dit :  « …pour que tout genou, au ciel, sur terre et aux enfers, fléchisse. », la voilà qui s’agenouille au vu et au su des passants de la rue et reste ainsi jusqu’au moment où quelques instants plus tard nous l’invitons à se relever.

 

De cette rencontre, je retiens ceci : certains textes bibliques recèlent une puissance d’interpellation étonnante. L’hymne au Christ en Ph 2,6-11 en est un exemple et Héb 5,7-9,  un autre.

 

A mon humble avis, ces deux textes constituent une des plus judicieuses tentatives pour expliquer la ‘manière’ dont Jésus nous a sauvés. Sans la moindre équivoque, ces textes nous disent que c’est en se faisant obéissant dans sa chair, en vivant la foi (et l’espérance et la charité) jusqu’à l’extrême, que Jésus a opéré son salut et le nôtre. Notre salut ne fut pas une affaire de sang qui devait couler, ni une affaire d’offense à réparer, ni de colère à apaiser, ni de prix à payer. Jésus nous a sauvé en menant sa propre humanité jusqu’à l’extrême confiance en son Père, en ses frères les humains, et en nous entraînant à sa suite sur ce chemin de radicale confiance. Il nous sauve comme par induction d’amour ! Pour vous en convaincre, revenons aux détails de ces deux textes :

 

« Jésus a été exaucé, nous disent Ph et Héb, parce qu’il s’est soumis en tout, parce qu’il s’est comporté comme un homme, parce qu’il a pris condition de serviteur, parce qu’il a présenté avec cris et larmes sa prière,  parce qu’il a appris l’obéissance par les souffrances de sa passion »

 

Comme tout homme, Jésus a connu l’angoisse, la déréliction ; comme vous et moi, Jésus a éprouvé la difficulté de rester confiant et aimant dans ces moments où l’imagination s’affole et le coeur décroche, le corps crie. Comme un rocher assailli par les vagues, Jésus est resté ferme et fidèle. Jésus est l’image accomplie de l’homme croyant, de l’homme qui a mis toute sa confiance en celui qui n’impose rien, mais propose de maintenir le cap de l’amour, tout en portant sa croix. Ce n’est pas le Père qui nous impose notre croix, mais les hommes ou les circonstances ou le destin. Néanmoins c’est le Père qui nous invite à « la porter librement », littéralement comme « on porte un étendard« .

 

Ces textes nous parlent d’humilité, d’obéissance, de soumission ? De quelle soumission s’agit-il ?  

D’une soumission imposée ?  Jésus aurait-il dû payer ce tribut pour être sauvé et devenir sauveur ?  Dieu aurait-il exigé de Jésus qu’il courba la tête comme un esclave, avant qu’il ne le sauve ?  Dieu aurait-il vu en Jésus un concurrent à brider ? Si cette interprétation effleure votre esprit, méfiez-vous en ! Elle n’est autre que celle du serpent au jardin d’Éden :

 

« C’est parce que Yahvé craint que vous deveniez des dieux qu’il vous interdit de manger

aux fruits de l’arbre de la connaissance du bien et du mal ! » Gen 3

 

Alors de quelle soumission s’agit-il ? » – De celle d’un homme libre qui désire adhérer à son être de communion, à sa mission de berger de l’humanité, à son besoin d’aimer sans mesure, à l’exemple de son Père. Son Père ne lui demandait rien d’autre que ce qu’il s’imposait à lui-même. Dans son appel à la soumission, il nous faut refuser de voir en Dieu une quelconque jalousie, une quelconque peur de concurrence, mais voyons-y son désir de partager ce qu’il est, sa divinité amoureuse.

Comme tout humain, Jésus a dû ‘apprendre la vraie soumission’, qui a été fidélité à l’image divine imprimée dans son cœur de fils. Lors de son séjour ‘dans la chair’, Jésus n’a pas bénéficié du privilège d’une maturité acquise sans effort. Comme vous et moi, il a dû apprendre à devenir ‘un homme, un serviteur’.  Car tout humain est appelé à être serviteur ! « 

 

Je dormais et je rêvais que la vie n’était que joie ;

je m’éveillai et je vis que la vie n’était que service ;

je servis et je vis que le service était la joie » –  Tagore

 

Ceux d’entre vous qui verraient encore dans les deux hymnes une invitation à une obéissance servile, à une obéissance au doigt et à l’œil, font fausse route. La vie de Jésus est une démonstration vivante du contraire. Quelle n’a pas été  sa liberté ! Jésus n’a rien de l’enfant docile. Les souffrances de la croix, Jésus les a acceptées non pas pour satisfaire une obligation extérieure à lui-même, mais dans le désir de témoigner de l’amour non violent de son Père.

A Gethsémani et au Calvaire,  la prière de Jésus s’est faite supplication et cri. Ça peut étonner ! Mais quoi de plus normal pour un homme aux abois, que d’espérer, malgré tout, l’intervention de celui qu’on aime, et de la lui demander avec force. J’imagine que lors de son séjour en prison, Mandela a dû souvent demander avec cris et supplications l’intervention de son Seigneur!  Ses cris, loin d’exprimer une perte de confiance, venaient la fortifier.

 

« Ainsi conduit à sa perfection, il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent la cause du salut éternel. Parce qu’il s’est soumis, il a été exaucé.  Aussi Dieu l’a-t-il exalté, lui a-t-il donné le nom qui est au-dessus de tout nom,… »

 

En nous ouvrant la voie de la vraie obéissance, en nous introduisant sur le chemin de la vraie foi, Jésus nous sauve de la mort spirituelle, nous introduit dans la plénitude de la vie, celle de son Père et nous ouvre un chemin nouveau.

Homélie du 2ème dimanche du carême

Là, tu l’élèveras en montée
Gen 22,1-18; Rom 8,31-34; Mc 9,2-10

Par Ignace Plissart

Une fois n’est pas coutume. Aujourd’hui, au lieu de commenter l’évangile, nous porterons notre
attention sur la première lecture : le récit du sacrifice d’Abraham.
Pourquoi ce choix ? Pour trois raisons.
– La première: Le récit du sacrifice d’Abraham a profondément marqué l’inconscient collectif de
l’Occident, ainsi que la réflexion chrétienne sur le sens de la mort de Jésus et sur le mystère de ce
qu’on appelait jadis ‘le Saint Sacrifice de la messe’.
– La deuxième raison découle de la précédente : ce récit nous donne une image inacceptable du
divin. Un Dieu qui pour éprouver la foi d'un père, lui demande d'offrir son fils en holocauste, est,
pour l'homme de bon sens, un faux dieu.
– La troisième raison : les exégètes contemporains reprochent aux traductions et aux commentaires
habituels de ce récit de commettre trois graves contresens.
Dans mon travail de relecture, je me suis appuié sur les observations d’André Wenin, exégète belge,
enseignant à Lumen Vitae et de Marie Balmary, psychanalyste et exégète croyante.
Le récit commence par un appel, et une réponse : « Abraham ! » – « Me voici ! »
Il se poursuit par un ordre : « Prends ton fils, ton unique, celui que tu aimes, Isaac ; va pour toi en
terre de Moryah, là, élève-le en montée sur l’un des monts que je te dirai. » Je traduis : « Adviens à
toi-même (à ta dignité de vrai père) ! Pour ce faire, élève ton fils vers moi. » Dans le texte hébreu,
aucune allusion à un sacrifice sanglant. Seulement une invitation à « élever l’enfant en élévation ».
Invitation qui rappelle à Abraham son rôle de père à l’égard d’Isaac : tu dois élever ton fils!
D’accord, le texte hébreu peut prêter à confusion. Influencé par la culture de son temps, Abraham
crut comprendre qu’il lui fallait sacrifier son fils.
Dès le matin, il part en terre de Moriah, avec Isaac, 2 ados, 1 âne, 1 torche et 1 coutelas (μαχαιρα :
petit couteau de sacrifice – non pas un glaive). Arrivé au pied de la montagne, Abraham invite les
deux ados à les attendre : « Nous nous prosternerons, puis nous reviendrons vers vous. » Ces mots
trahissent le malaise profond d’Abraham. C'est comme s'il doutait que sa démarche soit voulue par
Dieu.
Au cours de montée, Isaac interroge son père : « Voici le feu et le bois. Où est l’agneau de la
montée ? » Sa question en sous-entend une autre : « L’agneau, serait-ce moi ? »
Troublé par la question de son fils, Abraham évite de lui répondre : « Élohim verra pour lui l’agneau
de la montée, mon fils ! » Le doute le reprend.
Arrivé au sommet, Abraham dresse un autel, y place son fils bras et jambes liées. Au moment où il va
frapper, l’Ange de Yahvé crie des ciels : « Abraham, Abraham, ne lance pas ta main vers
l’adolescent, ne lui fais rien de mal ! »
Sur le champ Abraham retient son bras meurtrier. C’est alors que Élohim lui dit : « Oui, maintenant,
je sais que tu frémis d’Élohim, que tu crois en Élohim ! »
Comment comprendre le ‘Maintenant, je sais’ ?
Deux lectures sont possibles : « Ayant constaté que tu étais prêt à sacrifier ton fils, je sais maintenant
que tu crois en moi » ou « Constatant que tu viens de renoncer à sacrifier ton fils, je sais maintenant
que tu crois en moi ». Cette deuxième lecture non seulement colle mieux au mot ‘maintenant’, mais
sauve Élohim du reproche d’avoir acculé un père à vouloir sacrifier son enfant.
Élohim poursuit son propos.
Ici encore deux traductions s’affrontent, la classique et l’autre. Grammaticalement l’autre lui est
préférable : le ‘pour moi’ doit devenir ‘loin de moi’ . Ce qui donne ceci : « Tu n’as pas retenu loin
de moi ton fils ton unique » au lieu de « Pour moi, tu n’as pas épargné ton fils ton unique »
C’est à ce moment précis, qu’Abraham comprend qu’il s’était mépris sur le contenu de l’ordre du
Seigneur. Jamais Élohim ne lui avait demandé de sacrifier son fils Isaac, Il lui avait demandé autre
chose. Mais quoi ? La suite du récit va nous permettre de le savoir.

HomélieB_Car02b_Elève-le- moi
Remis de ses émotions, Abraham remarque un bélier saisi au hallier par les cornes. Qu’est-ce qu’un
bélier ? Le mâle de la brebis, le père de l’agneau, le symbole de la paternité. Que fait Abraham ? Il
prend le bélier et l’offre en sacrifice. Ce faisant, Abraham offre en sacrifice sa paternité toute
puissante, le lien fusionnel et dominateur qui l’unissait à son fils.
Ayant offert son lien mortifère, Yahvé bénit Abraham : « Je multiplierai ta semence comme les
étoiles des ciels, comme le sable sur les lèvres de la mer. »
Le récit s’achève sur cette remarque du rédacteur : "Abraham retourne vers les adolescents restés au
pied de la montagne et avec eux rejoint Beer-Sheba." Isaac ne le suit pas. Il reste avec Élohim. Grâce
à l’offrande du lien qui le ligotait à son père, l’ado est advenu à sa dignité de fils de Dieu. Alors que
jusqu’ici Isaac était parlé par son père, il peut maintenant parler une parole qui n’est pas parlée par
un autre, une parole parlée à partir de sa dignité de fils de Dieu.
Le dépoussiérage de ce récit m’amène à quelques réflexions :
Y a t il eu quelque chose de sacrifié ? Oui. La ligature d’Isaac. Le sacrifice d’Abraham s’est opéré en
acceptant de mettre son fils en présence de Yahvé, en acceptant d'accorder à son fils sa liberté
d’homme, de vis-à- vis de Dieu.
Le sacrifice d’Abraham est exemplatif pour tout père et toute mère d’un enfant. Nous n’avons pas le
droit de maintenir nos enfants captifs. A l’inverse, nous avons à les libérer progressivement de ces
liens faussement protecteurs qui les empêchent d’exister, de vivre pleinement, de parler à partir
d’eux-mêmes.
Vous comprenez aussi le danger qu’il y a eu dans le passé à interpréter la mort de Jésus en croix à la
lumière du sacrifice d’Abraham, tel qu’habituellement commenté.
Cet admirable verset de Jean « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son fils unique, …» peut être
si mal compris ! Ceux qui pensent que Dieu a disposé de la vie de son fils comme Abraham de celle
d’Isaac, se trompent lourdement. L’union de Jésus à son Père n’a souffert d'aucune ligature. En bon
père, Dieu devait souhaiter que l’homme Jésus, son fils unique, parle et agisse à partir de lui-même,
qu'il atteigne la plénitude de son humanité aimante, et qu'il devienne à son tour « père d’une
multitude ».
Le « coutelas d’Abraham » qui finalement ne servira qu’à couper les liens d’un père avec son fils se
retrouve, tel quel, en Mat 10,34 ; ce petit couteau établit une connexion entre le récit du sacrifice
d’Abraham et cette parole énigmatique de Jésus : N’allez pas croire que je sois venu apporter la paix
sur la terre ; je ne suis pas venu apporter la paix, mais le coutelas (μαχαιρα : petit couteau de
sacrifice). Car je suis venu opposer l’homme à son père, la fille à sa mère et la bru à sa belle-mère :
on aura pour ennemis le gens de sa maison. » Mt 10,34
Effectivement, la paix qu’apportait Jésus à ses contemporains, entraîna, dans un premier temps, la
division des familles juives ou païennes concernées par la conversion d’un de leurs membres. Cette
division se prolongeait aussi longtemps que les parents non chrétiens et païens se refusaient de
« sacrifier » les ligatures qui maintenaient leur fils ou fille converti sous leur coupe.

Homélie du 1er dimanche du carême

Revisitons notre baptême !
(à travers le baptême des Douze)

Par Ignace Plissart

En ce début de Carême 2018, la liturgie nous invite une nouvelle fois « à raviver la grâce de
notre baptême » comme on ravive les braises d’un feu au petit matin.
Mais revisiter notre baptême est une gageure ! Et ce, pour deux raisons ; la première : nous
n’en avons aucun souvenir, puisqu’il nous fut imposé à la naissance ; et la deuxième raison :
les baptêmes d’enfants auxquels nous aurions assisté, sont de très mauvais exemples pour
nous introduire dans le mystère de notre baptême, car ces baptêmes, réduits à un rite et à une
formule, ont perdu ce qui en faisait leur puissance spirituelle : l’engagement personnel du
catéchumène.
Alors comment mener notre enquête ? Je propose, dans un premier temps, de relever dans le
N.T. quelques passages où l’on parle du baptême. Il y a toute chance qu’on y apprendra
quelque chose d’utile pour notre enquête !
1. Au Jourdain, le prophète Jean prêchait un baptême de conversion ; il adressait son appel à
des adultes déçus par les promesses de leurs religions respectives. Entendez « conversion »
dans le sens d’un passage d’une obéissance servile à des préceptes, vers une obéissance
confiante à Dieu autre et en sa Parole. Jean disait : « Moi, je vous baptise dans l’eau, mais
vient après moi celui qui vous baptisera dans l’Esprit Saint (et le feu). » Mc 1,8 – Ici le
baptême dans l’Esprit Saint qu’évoque Jean ne sera pas lié à un rite.
2. Encore au Jourdain : Après avoir été baptisé par Jean, Jésus sortit de l’eau, et voici que les
cieux s’ouvrirent et il vit l’Esprit Saint descendre telle une colombe, et voici qu’une voix
venant du ciel se fit entendre : « Tu es mon Fils bien-aimé, en toi j’ai mis toute ma
complaisance » Mc 1,10 – Ici la descente de l’Esprit Saint s’opère hors rite.
3. Lors de la montée de Jésus et de ses disciples vers Jérusalem, Jacques et Jean demandèrent
à Jésus de pouvoir s’asseoir à sa droite et à sa gauche, càd de pouvoir partager son pouvoir.
Jésus leur répondit : « Êtes-vous prêts à être baptisés dans le baptême dans lequel je serai
baptisé, et boire à la coupe à laquelle je vais boire ?» Ils répondirent « Oui, nous le
pouvons !» Mc 10,38 – Ici le baptême équivaut à être associé à la mort de Jésus.
4. Quelques jours après sa Résurrection et avant son Ascension, Jésus dit aux siens : « Jean
vous a baptisés dans l’eau; d’ici peu de jours, c’est dans l’Esprit Saint (et le feu) que vous
serez baptisés » Act 1,5 – Ici le baptême d’eau est clairement dissocié du baptême dans
l’Esprit qui leur sera donné à la Pentecôte, sans rite.
5. Quelques années plus tard, Pierre et Jean descendirent chez les Samaritains et prièrent pour
eux, afin que l’Esprit Saint leur fût donné. Car il n’était tombé sur aucun d’eux ; ils avaient
seulement été baptisés au nom du Seigneur Jésus. Act 8,14 – Le baptême de l’Esprit Saint
apparaît ici comme l’aboutissement du baptême chrétien, et une nouvelle fois sans rite.
6. Plus tard encore, dans sa lettre adressée aux Romains, Paul écrit ceci : « Ignorez-vous que
baptisés dans le Christ, c’est dans sa mort que vous avez été baptisés (et pas seulement
dans sa résurrection) " Rom 6,1-3
Sur base de cet inventaire (incomplet), nous constatons que le baptême chrétien est moins un
rite qu’un engagement d’une conscience droite à l’égard de Dieu le Père, en Christ et dans
l’Esprit.
Passons au deuxième temps : Posons-nous la question : « Où et quand les Douze ont-ils été
baptisés ? ». La réponse à cette question va nous aider à rentrer plus avant dans le mystère de
notre baptême.

(Questionner l’assemblée ou poursuivre par le paragraphe suivant)

HoméliesB_Car01_Baptême

Certains d’entre vous me diront : « Au Jourdain». Effectivement la plupart des Douze, sinon tous, ont fréquenté
le prophète Jean et se sont laissés baptiser de ses mains. Mais ce baptême était-il déjà chrétien ? Non. Tout au
plus en était-il l’amorce.
D’autres me diront : « Au Cénacle, lors de la descente de l’Esprit Saint sous l’apparence de langues de feu ».
Effectivement le don de l’Esprit appartient au baptême chrétien, et en constitue même le point d’orgue, mais il
n’en est pas la totalité.
Vos (ces) deux réponses contiennent leur part de vérité, mais l’une et l’autre pèchent par
insuffisance. Jésus y est oublié. Or nous savons que son rôle y est essentiel.
En fait le baptême des Douze s’est étalé sur les trois années du ministère de Jésus, depuis son
séjour au Jourdain jusqu’à la Pentecôte (hors rites pour les 2/3). On peut y distinguer trois
étapes dans leur baptême : l’étape du Jourdain, la première, vécue autour du prophète Jean,
puis l’étape de la Galilée, durant laquelle les disciples suivent Jésus, et enfin l’étape de
l’Ascension – Pentecôte où ils reçoivent l’Esprit Saint et sont rassemblés en un peuple
nouveau. J’appelle la première étape, celle du Père ; la deuxième, celle du Fils ; et la
troisième, celle de l’Esprit.
Dans le baptême chrétien, nous retrouvons ces trois étapes, mais entremêlées l’une dans
l’autre. Le baptême chrétien a retenu de l’étape du Jourdain (la première) l’initiative divine,
celle du Père qui appelle tout homme à revenir à Lui (à se tourner vers lui) à travers un rite
unique non renouvelable, vécu dans une confession de foi consciente : l'immersion dans l'eau.
C’est la deuxième étape qui a donné au baptême chrétien son originalité laquelle consiste à
nous greffer sur Jésus : "Croyez en Dieu, mais aussi en moi !" (Jn 14,1)
En effet le baptême chrétien nous engage à la suite de Jésus, nous met à l’écoute de Jésus,
nous entraîne avec Jésus sur le chemin des pauvres; il nous revêt du Christ, càd de son mode
de vie, de sa confiance radicale à son Père; le baptême nous associe à sa mort en croix par
amour des hommes et de son Père.
Le baptême chrétien trouve son point d’orgue dans la troisième étape. En effet le baptême
chrétien a pour but ultime : notre illumination par l’Esprit, notre entrée dans le Corps du
Christ, et notre découverte du vrai nom de Dieu (Père, Amour, Dieu autre)
Pour terminer ce parcours marathon, un mot encore sur son rite majeur du baptême chrétien,
càd l’immersion (réduite aujourd’hui à une simple ablution).
A l’origine, le rite de l’immersion appartenait exclusivement à la première étape, celle du
Jourdain. Aujourd’hui il tire sa signification et du Père, et du Fils et de l’Esprit. Autrement
dit, l’eau baptismale évoque non seulement l’idée de "conversion", mais aussi celle
d’immersion dans la tendresse du Père, de plongée dans la mort du Christ pour "la rémission
des péchés" et d'imprégnation de l’Esprit Saint pour notre renaissance. Et le tout dans « un
engagement envers Dieu avec une conscience droite ». I Pierre 3,21
(Aspersion des fidèles)

Homélie du 3ème dimanche de carême

Jésus chasse les marchands du temple
Ex 20,1-17; 1 Co 1,22-25; Jean 2,13-25

Par Ignace Plissart

J’entends souvent cette réflexion : « Monsieur l’abbé, ne me dites pas que Jésus n’a jamais
péché ! Ne s’est-il pas mis en colère sur les marchands du temple ? »
L’argument témoigne d’une profonde incompréhension de l’action publique de Jésus au
Temple. Or nous sommes là devant ce qu’on appelle ‘une sainte colère’. Car contrairement à
une certaine opinion, toute colère n’est pas mauvaise. « Il est des situations, nous dit saint
Bernard, où ne point s’irriter est péché ». Néanmoins il ajoute qu’une sainte colère doit être
juste, maîtrisée, bienveillante et exceptionnelle. Non seulement le geste de Jésus ne mérite
aucun reproche, mais il mérite mieux : il participe à la noblesse des ‘actions symboliques’ des
grands prophètes.
Une action prophétique (ou symbolique) est un geste exceptionnel, inattendu, hors du
commun, dont le but est de forcer l’attention d’un large auditoire pour lui transmettre un
message divin que les seuls mots n’arrivent pas à dire. Pour ce faire, toujours l’action
symbolique provoque, écorne les convenances.
Un jour, alors que la Judée était menacée d’occupation par les armées de Nabuchodonosor et que les autorités
de Jérusalem pensaient trouver leur salut en demandant la protection de l’Égypte, Jérémie convoque les
habitants de la ville, puis leur ayant présenté une maquette du Temple en terre cuite, la projette vers le sol où
elle éclate en mille morceaux. (Déjà à cette époque, on vendait ce genre d’article dans les boutiques voisinant
le temple de Jérusalem !) Après un temps de silence, il dit à la foule étonnée : « Voilà ce qu’il adviendra de
Jérusalem, si vous tentez de résister au roi de Babylone.» (Jé 7,12-15)
Gandhi lui aussi a eu recours à l’action symbolique. Ceux d’entre vous qui ont vu ce grand film qui porte son
nom se souviendront de cette scène bouleversante où en présence de ses partisans, il tente de jeter ses papiers
d’identité dans un brasero sous les coups de policiers anglais, et ce pour protester contre la discrimination
dont ses frères de race étaient l’objet.
Ceci dit, observons en détail le déroulement de son action prophétique.
Jésus la commence en faisant un fouet à l’aide de cordes qu’il trouve à même le sol.
Armé de ce fouet, il pousse les bestiaux hors du temple. Leurs propriétaires les suivent moins
par peur qu’impressionnés par l’assurance de Jésus. Puis Jésus renverse les comptoirs des
changeurs, répandant leur monnaie sur le sol (L’argent n’est-il pas la moindre des choses !
Luc 16). Enfin il ordonne aux marchands de colombes d’emporter leurs cages, en leur disant :
« Ne faites pas de la maison de mon Père, une maison de trafic. »
Deux remarques :
– J’ai beau cherché, je ne vois aucune trace de violence, mais seulement une force toute
maîtrisée. Le fouet improvisé n’a effrayé personne. Et si vous ressentez quelque gène pour les
pièces éparpillées, rassurez-vous : tout de suite, avant de quitter le temple, leurs propriétaires
les ont récupérées. A l’égard des colombes, symboles de paix, Jésus se montre très délicat, il
ne renverse aucune de leurs cages, il se contente de demander à leurs propriétaires de les
emporter avec eux, évitant ainsi aux colombes la torture d’un sacrifice. Par contre, Jésus ne
prend aucune précaution pour se protéger des réactions que son geste déclencherait. Or les
vrais violents veillent à leur protection rapprochée et lointaine.
– Comme l’exige toute action prophétique, Jésus adresse à son auditoire une parole
forte dont l’évangéliste nous rapporte l’essentiel : « Ne faites pas de la maison de mon Père
une maison de trafic. » Ce message fait écho au livre du prophète Zacharie et plus
particulièrement à la dernière page de son livre, à son dernier verset : « En ces jours-là, dans
la maison du Seigneur Yahvé, il n’y aura plus de trafiquants ! » (14,21).

HoméliesB_Car03_MarchandsTemple

Ce verset contient, et une bonne nouvelle, et un appel à la conversion. La bonne nouvelle est qu’aujourd’hui
le Royaume de Dieu a commencé à germer au milieu de vous, que le Jour du Seigneur s’est enfin levé, que la
purification de son Temple vient de débuter ! Et l’appel à la conversion : Vous avez transformé la Maison de
Yahvé en une maison de trafic, de commerce, alors que sa mission est de favoriser un culte d’adoration « en
esprit et en vérité » ; le moment est venu de vous convertir, de reconnaître votre responsabilité dans l’errance
du peuple de Dieu ; Dieu est plein de miséricorde.
Comment réagissent les autorités du temple ?
Le lendemain, (selon Marc), elles viennent à lui et le pressent à se justifier : « Quel signe,
peux-tu nous donner pour justifier ce que tu as fait là, càd dénoncer le culte que nous
organisons ici dans le Temple ?
En fait les autorités du Temple ne lui reprochent pas son action publique, mais mettent en
doute sa légitimité. A leurs yeux, seul un signe, entendons un miracle, une intervention
manifeste de la puissance divine, pourrait prouver son bon droit. Un signe, tel que « la
traversée de la Mer Rouge, la manne tombant du ciel, la traversée à pieds secs du Jourdain, la
conquête fulgurante du pays de Chanaan, etc.). L’apôtre Paul évoque ce genre de signes
réclamés par les pharisiens, les scribes et les Sadducéens en I Co 1,22-23
« Les juifs demandent des signes (des miracles) et les Grecs recherchent la sagesse (des
arguments de la raison raisonnante). Mais nous, nous prêchons un messie crucifié, scandale
pour les Juifs, folie pour les païens, mais pour ceux qui sont appelés, tant Juifs que Grecs, il

est le Christ, puissance de Dieu et sagesse de Dieu. ».

Les autorités du temple pressent donc Jésus à se justifier par un signe, un miracle, un prodige.
Jésus s’y refuse, laissant entendre que son geste, non-violent et inscrit dans la tradition
prophétique, ne demande aucune confirmation car il est en lui-même la signature de la
« vraie » puissance de Dieu qui est humilité, abaissement, non-violence et bienveillance. Ne
comprenez-vous pas, leur dit Jésus, que le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, qui est le
vôtre et le mien, n’est pas celui que vous imaginez ! Notre Dieu est un Dieu « autre, tout
autre ». Ce n’est pas dans le tonnerre et l’ouragan qu’Il appelle à la conversion, mais dans « la
brise légère ». Hier, c’était dans la brise légère de mon agir et de ma parole, que Dieu vous
appelait à vous remettre en question et à proposer au peuple la seule adoration qui lui plaise,
l’adoration « en vérité et en esprit » (Jean 5)
La réponse de Jésus scandalise les autorités du Temple ! À travers son action, humble et non-
violente, Jésus vient de leur révéler une tout autre image de Dieu, une image incompatible
avec la leur, une image inédite, reconnaissons-le, jugée « folie » aux yeux du monde. Oui,
Jésus les exhorte, au nom même de leur Dieu, de rompre avec l’image toute puissante qu’ils
s’en étaient fait, et avec la manière toute mercantile d’organiser son culte. Ils voyaient Dieu,
tel un dieu tout puissant, interférant directement dans l’histoire des hommes, arbitrant leurs
différends, châtiant les méchants, comblant les bons de bienfaits, un dieu mêle-tout, un dieu
exigeant des sacrifices, un dieu négociant le salut contre des œuvres religieuses, tout à
l’inverse de la nouvelle image que Jésus leur révèle.
Refusant de rompre avec leur image de Dieu, au nom même de leur Dieu, ils concluront que
Jésus ne pouvait être ni le Grand prophète, ni le Messie, et que donc il méritait la mort pour
avoir blasphémé contre Dieu et son Temple.